En 1927, invité ensemble à un congrès, Einstein interpelle Niels Bohr pour marquer son opposition à l’interprétation probabiliste de la physique quantique et au Principe d'incertitude de W. Heisenberg : "Dieu ne joue pas aux dés" , ce à quoi Niels Bohr répondit : "Qui êtes-vous Albert Einstein pour dire à Dieu ce qu’il doit faire?"!
Bohr et Einstein auront de fréquents entretiens jusqu'en 1935 que Bohr retranscrira. Même s'il avait répondu sèchement à Einstein lors du congrès Solvay, il comprit qu'il est difficile d'arriver au bout de certain sujets :
"A l’Institut de Copenhague (...) nous avions l’habitude, quand cela n’allait pas, de nous réconforter par des plaisanteries, notamment par le vieil adage des deux sortes de vérités. De l’une sont les propositions si simples et si claires que la proposition contraire est évidemment insoutenable. De l’autre, de celle des "vérités profondes", sont les propositions dont le contraire contient aussi une vérité profonde."[1]
La
prédestination fait partie de ces vérités profondes qui ont été balayées dans
ce zèle de vouloir clôturer le débat quitte à rayer des versets entiers de la
Bible. C'est une illustration supplémentaire du travail d'amateur, la
superficialité et la schématisation simpliste de la théologie des églises
évangéliques. La défiance envers la "théologie" a engendré le mépris
de toute étude biblique approfondie, de toute exégèse sérieuse.
Or s'il est difficile de donner une réponse entièrement satisfaisante, il est néanmoins capital de prendre correctement la dimension de ce type de sujet car c'est une bonne mesure entre la distance qui sépare notre intelligence de celle de Dieu, "O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables !"[2]
Or il est indéniablement la Bible défend deux théories qui semblent contradictoires: la liberté et La prédestination.
D'un côté la liberté des décisions et des efforts personnels sont clairement établis:
- Le message est pour tout le monde et non pour une sélection limités de personnes: "Dieu, sans tenir compte des temps d'ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu'ils aient à se repentir... [3]"
- Le repentance dépend de chacun: "Le Seigneur ne tarde pas dans l'accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance[4]."
- "Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. Car, je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer, et ne le pourront pas[5]".
Et d'un autre les chrétiens sont appelés des "élus" qu'il a choisi, prédestinés et dont il est le moteur:
- "Et, si le Seigneur n'avait abrégé ces jours, personne ne serait sauvé; mais il les a abrégés, à cause des élus qu'il a choisis[6]."
· "Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés[7]."
· "Car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera[8]."
· "nous ayant prédestinés dans son amour à être ses enfants d'adoption par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté[9],"
- "car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir[10]".
Le chapitre 9 de l'épitre aux Romains ne laisse que très peu de doute sur le principe de prédestination en prenant l'exemple d'Esaü et Jacob.
· Jacob a été choisi avant toute action de sa part et à l'inverse Esaü a été rejeté avant même sa naissance: "11 les enfants n'étaient pas encore nés et n'avaient donc fait ni bien ni mal- afin que le plan de Dieu subsiste, conformément à son choix et sans dépendre des œuvres mais de celui qui appelle- 12 quand il a été dit à Rebecca: L'aîné sera asservi au plus jeune. De même, il est écrit: 13 J'ai aimé Jacob et j'ai détesté Esaü."
· Dieu fait grâce à qui il veut selon sa sainte volonté et sa grâce ne dépend pas de nos efforts: "14 Que dirons- nous donc? Dieu serait- il injuste? Certainement pas! 15 En effet, il dit à Moïse: Je ferai grâce à qui je veux faire grâce, et j'aurai compassion de qui je veux avoir compassion. 16 Ainsi donc, cela ne dépend ni de la volonté ni des efforts de l'homme, mais de Dieu qui fait grâce."
· Pharaon a été un instrument de Dieu et son endurcissement a été utile au plan de Dieu: 17 L'Ecriture dit en effet au pharaon: Voilà pourquoi je t'ai suscité: c'est pour montrer en toi ma puissance et afin que mon nom soit proclamé sur toute la terre. 18 Ainsi, Dieu fait grâce à qui il veut et il endurcit qui il veut.
· Pour ne pas laisser le moindre doute à l'interprétation de ce texte qui pourrait laisser croire que finalement on ne peut pas grand chose à notre élection, Paul enfonce le clou: "19 Tu me diras: «Pourquoi fait- il encore des reproches? Qui peut en effet résister à sa volonté? » 20 Mais toi, homme, qui es- tu pour entrer en contestation avec Dieu? L'objet dira- t- il à celui qui l'a façonné: «Pourquoi m'as- tu fait ainsi? » 21 Le potier n'est- il pas le maître de l'argile pour faire avec la même pâte un ustensile d'un usage noble et un ustensile d'un usage méprisable?"
· Paul termine par deux questions laissant entendre que lui-même avait atteint la limite de sa compréhension: "22 Que dire si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère tout prêts pour la perdition? 23 Et que dire s'il a voulu faire connaître la richesse de sa gloire envers des vases de compassion qu'il a d'avance préparés pour la gloire?"
Ce chapitre de l'épitre aux Romains explique avec profondeur la parfaite souveraineté de Dieu. Il est effectivement difficile de concilier cette souveraineté avec la liberté de la volonté humaine. Il faut accepter que notre vision est très imparfaite et qu'elle sera corrigée dans peu de temps: "Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, de manière peu claire, mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais partiellement, mais alors je connaîtrai complètement, tout comme j'ai été connu[11]."
[1] Niels Bohr, « Discussion avec Einstein sur les problèmes épistémologiques de la physique atomique » in Physique atomique et connaissance humaine, Folio Essais, 1991, p.247
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