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Lettre de Barnabé

I,
1. Salut à vous, fils et filles tans la paix, par le nom du Seigneur qui nous a aimés.
2. Devant la grandeur et la splendeur des desseins de Dieu à votre égard, ce qui plus que toute autre chose me cause une excessive joie ce sont vos âmes bénies et glorieuses, tant la grâce du don spirituel que vous avez reçu s'est implantée en elles. 3. C'est ce qui augmente encore la joie que j'éprouve en moi-même, pat l'espérance que j'ai d'être sauvé, quand je vois qu'en toute vérité l'Esprit s'est répandu sur vous, jaillissant de l'intarissable source qu'est le Seigneur (cf. Tt 3, 5-6).
C'est à ce point que m'a frappé votre vue si ardemment souhaitée.
4. Je suis intimement persuadé qu'après avoir causé avec vous, j'ai encore beaucoup à dire, car le Seigneur s'est fait mon compagnon dans le chemin de la justice ; et je suis moi aussi tout à fait contraint de vous aimer plus que mon âme, car une grande foi et une grande charité habitent en vous, " avec l'espérance de sa vie " (Tt 1, 2 ; 3, 7).
5. J'ai donc réfléchi que, si je prenais soin de vous faire part de ce que j'ai reçu, l'aide que j'aurais accordée à des âmes telles que les vôtres ne serait pas sans récompense, et je m'empresse de vous écrire brièvement afin qu'avec la foi vous ayez une connaissance parfaite.
6. Les maximes du Seigneur sont au nombre de trois :
* " L'espérance de la vie " (Tt 1, 2 ; 3, 7), commencement et fin de notre foi ;
* La justice, commencement et fin du jugement ;
* L'amour oeuvrant dans la joie et l'allégresse, qui témoigne de cette justice.
7. Le Maître, en effet, nous a révélé par les prophètes les choses passées et présentes, et nous a donné de goûter par avance aux choses futures (cf. Justin, 1 Apol., XIII, 9-10 ; LII). Voyant donc celles-ci s'accomplir, chacune à leur tour, comme il nous l'avait dit, nous devons progresser dans la crainte de Dieu, nous donner davantage et monter plus haut.
8. Pour moi, ce n'est pas comme maître, mais comme l'un d'entre vous que je veux vous donner quelques enseignements, qui vous apporteront de la joie dans ce temps où nous vivons.

II,
1. Puis donc que les jours sont mauvais, que l'ennemi est à l'oeuvre et qu'il en a reçu le pouvoir, il nous faut veiller sur nous-mêmes et rechercher les commandements du Seigneur.
2. Or, la foi est secourue par la crainte et la patience, nos alliées sont la longanimité et la tempérance.
3. Lorsque ces vertus demeurent sans atteinte devant Dieu, la sagesse, l'intelligence, la science, la connaissance viennent leur tenir compagnie dans la joie (cf. Clément d'Alexandrie, Strom., II, 6, 31).
4. Il nous a dit clairement par tous les Prophètes qu'il n'a que faire des sacrifices, des holocaustes ou des offrandes. Il dit, par exemple :
5. " Que m'importent vos innombrables sacrifices ? dit le Seigneur.
Je suis rassasié des holocaustes ;
La graisse des agneaux, le sang des taureaux et des boucs, je n'en veux point ;
Pas davantage quand vous venez vous présenter devant moi.
Qui donc vous a invités à m'offrir ces dons de vos mains ?
N'allez pas fouler de nouveau mes parvis.
Si vous m'offrez de la fleur de farine, c'est en vain ; l'encens m'est en horreur.
Vos nouvelles lunes et vos sabbats, je ne les supporte plus " (Is 1, 11-13).
6. Il a donc abrogé tout cela afin que la nouvelle loi de notre Seigneur Jésus-Christ soit libre du joug de la nécessité ; qu'elle ne connaisse pas l'offrande faite de main d'homme.
7. Il leur dit encore : " Est-ce que j'ai prescrit à vos pères, quand ils sortirent d'Égypte, de m'offrir des holocaustes et des sacrifices ?
8. Non, mais voici la prescription que je leur ai faite (Jr 7, 22-23) : Ne méditez pas en vos coeurs du mal l'un contre l'autre, chacun contre son prochain. N'aimez pas le faux serment " (Za 8, 17).
9. Nous devons donc comprendre, si nous ne sommes pas sans intelligence, l'intention toute de bonté de notre Père, et que, s'il nous parle, c'est qu'il veut nous voir rechercher, sans nous égarer comme ceux-là, le vrai moyen de nous approcher de lui. 10. Il nous dit donc : " Le sacrifice pour le Seigneur, c'est un c_ur brisé (Ps 50, 19) ; le parfum de bonne odeur pour le Seigneur, c'est un c_ur qui rend gloire à son Créateur " (Aut. inc.).
Nous devons donc, frères, nous appliquer avec beaucoup de soin à notre salut, pour empêcher l'ennemi d'insinuer en nous l'égarement et de nous précipiter hors de notre vie.

III,
1. Le Seigneur dit également aux Juifs, à ce sujet :
" A quoi bon, votre jeûne, dit le Seigneur.
Pourquoi ne faire entendre aujourd'hui que des cris ?
Ce n'est pas le jeûne que j'avais choisi, dit le Seigneur.
Ce n'est pas ainsi que je désire que l'homme humilie son âme.
2. Courber la tête comme un anneau, revêtir le sac et coucher sur la cendre, n'appelez plus cela un jeûne agréable au Seigneur " (Is 58, 4-5).
3. Quant à nous, il nous dit :
" Voici le jeûne qui me plaît, oracle du Seigneur.
Romps les chaînes injustes,
délie les liens du joug de la violence,
renvoie libre les opprimés,
et déchire tout contrat inique.
Partage ton pain aux affamés,
vêts celui que tu vois nu,
héberge les sans-abri sous ton toit.
Si tu vois un misérable ne le méprise pas
et ne te dérobe pas aux parents qui sont de ton sang.
4. Alors, ta lumière poindra comme l'aurore, et tes vêtements ne tarderont pas à resplendir
La justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t'environnera.
5. Alors, si tu cries, le Seigneur répondra ;
tu parleras encore, qu'il te dira : me voici ;
si tu exclus de chez toi le joug,
le geste menaçant et les propos impie,
si tu donnes de tout coeur ton pain à l'affamé,
si tu traites avec la miséricorde l'âme humiliée " (Is 58, 6-10).
6. Frères, le Seigneur longanime a voulu que la foi de son peuple soit sans mélange, de ce peuple qu'il s'est acquis en son bien-aimé, et c'est pour cela qu'il nous avertit à l'avance de toutes choses, de peur que, nouveaux venus en Israël, nous ne nous brisions contre sa loi.

IV,
1. Il nous faut donc examiner à fond les circonstances présentes et chercher ce qui peut nous sauver. Fuyons absolument toutes les oeuvres de l'iniquité ; sinon, ce sont elles qui se saisiront de nous. Haïssons l'égarement du temps présent, afin d'être aimé dans le temps à venir.
2. Ne relâchons pas à ce point nos âmes qu'elles se croient permis de courir en compagnie des pécheurs et des méchants ; sinon, nous finirons par leur ressembler
3. Le scandale de la fin s'est approché, comme dit l'Écriture par la bouche d'Énoch (cf. Hénoch 89, 61-64). Le Seigneur a réduit les temps et les jours afin que se hâtât son bien-aimé, et qu'il entrât en possession de son héritage.
4. Le prophète aussi s'exprime ainsi : " Dix royaumes se lèveront sur la terre ; après eux se lèvera un petit roi la qui soumettra à la fois trois des rois " (cf. Dn 7, 24).
5. Et Daniel dit encore à ce propos : " Je vis la quatrième bête féroce, puissante, et terrible plus que tous les monstres marins ; il lui poussa dix cornes, d'où sortit une petite corne qui abaissa d'un coup trois des grandes cornes " (cf. Dn 7, 7-8).
6. Vous devez comprendre.
Je vous en prie, une fois encore, moi qui suis l'un d'entre vous, et qui vous chéris tous et chacun plus que ma vie, veillez sur vous-mêmes et ne ressemblez pas à certaines personnes, n'accumulez pas les fautes en disant que l'Alliance est aux Juifs comme à nous.
7. Elle est à nous assurément. Mais eux l'ont perdue définitivement, lors même que Moïse venait de la recevoir. L'Écriture dit en effet : " Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante nuits sans manger et sans boire et il reçut du Seigneur l'Alliance: les Tables de pierre écrites du doigt de la main du Seigneur " (cf. Ex 31, 18 ; 34, 28).
8. Mais pour s'être tournés vers les idoles, ils ont réduit à néant cette alliance. Voici, en effet, ce que dit le Seigneur : " Moïse, Moïse, descends vite, car ton peuple a péché, ce peuple que tu as fait sortir d'Égypte " (Ex 32, 7 ; Dt 9, 12). Moïse comprit et jeta les deux Tables de ses mains et leur alliance se brisa afin que celle du bien aimé Jésus fût scellée dans notre coeur par l'espérance de notre foi en lui.
9. Tout ce que je désire vous écrire, ce n'est pas en maître, mais en ami qui ne réserve rien de ce qu'il possède, moi qui ne suis qu'un rebut à votre service.
Faisons bien attention puisque voici les derniers jours, car tout le temps de notre vie et de notre foi nous serait inutile, si maintenant, dans le temps du péché et au milieu des scandales à venir, nous ne tenions pas bon comme il convient à des fils de Dieu.
10. Pour que le Ténébreux ne puisse s'infiltrer parmi nous, fuyons toute vanité, haïssons sans biaiser les oeuvres de la mauvaise voie. Ne vivez pas dans l'isolement comme si vous étiez déjà justifiés, mais rassemblez-vous et étudiez ensemble ce qui concerne l'intérêt commun.
11. Car l'Écriture dit : " Malheur à ceux qui se croient sages et s'estiment très avisés " (Is 5, 21).
Soyons des hommes spirituels, des temples parfaits pour Dieu. Autant qu'il est en nous, a " exerçons-nous à la crainte " (Is 33, 18) de Dieu et luttons pour garder ses commandements, afin que ses saintes volontés nous réjouissent.
12. Le Seigneur jugera le monde " sans acception de personnes " (1 P 1, 17). Chacun obtiendra le prix de ses oeuvres. Qui aura fait le bien sera précédé de sa justice ; qui aura mal agi verra venir à lui le salaire de son iniquité.
13. Ne nous reposons jamais sur notre qualité d'élus, nous nous endormirions dans nos péchés, et le mauvais prince prendrait pouvoir sur nous et nous repousserait du Royaume du Seigneur.
14. Une chose encore, frères, à quoi il vous faut penser, lorsque vous voyez, après de tels signes et de tels miracles accomplis en Israël, ce peuple se trouver néanmoins abandonné : tâchons qu'il ne se trouve pas chez nous aussi, comme dit l'Écriture, " beaucoup d'appelés et peu d'élus " (Mt 20, 16 ; 22, 14).

V,

1. Si le Seigneur a souffert de livrer sa chair à la destruction, c'était pour nous purifier par la rémission des péchés qui s'opère par l'aspersion de son sang.
2. L'Écriture parle de lui à ce sujet, tantôt pour Israël, tantôt pour nous :
" Il a été frappé à cause de nos péchés, écrasé à cause de nos crimes, et c'est grâce a ses plaies que nous sommes guéris. On l'avait conduit comme un agneau à la boucherie, comme devant les tondeurs, une brebis muette " (Is 53, 5-7)
3. C'est pourquoi nous devons rendre au Seigneur les plus grandes actions de grâces, de nous avoir révélé le passé et le présent ; et même l'avenir ne nous est pas tout à fait obscur.
4. Or, l'Écriture dit : " Ce n'est pas en vain qu'on tend les filets pour les oiseaux " (Pr 1, 17). C'est-à-dire : on mérite de périr si, connaissant la voie de la justice, on s'en tient éloigné pour aller dans celle des ténèbres.
5. Autre chose, frères : Le Seigneur a enduré de souffrir pour nos âmes, lui le Seigneur du monde entier à qui Dieu avait dit dès l'origine du monde: " Faisons l'homme à notre image et ressemblance " (Gn 1, 26). Eh bien, comment a-t-il enduré de souffrir de la main des hommes ? Apprenez-le :
6. " Les prophètes ont reçu de lui la grâce de prophétiser à son sujet. Eh bien ! comme pour anéantir la mort et prouver sa résurrection il devait se manifester dans la chair, il a enduré de souffrir,
7. afin d'accomplir la promesse faite à nos pères, de s'acquérir pour lui-même le peuple nouveau en montrant durant son séjour sur cette terre que c'est lui qui ressuscite les morts, lui qui juge.
8. Enfin, en enseignant Israël et en lui montrant tous les miracles et les signes que vous savez, il proclama son message et lui montra son excessif amour.
9. Puis il choisit pour ses propres Apôtres, pour ceux qui devaient être plus tard les hérauts de l'Évangile, des hommes plus que pécheurs afin de montrer " qu'il n'était pas venu appeler les justes, mais les pécheurs " (Mt 9, 13), et c'est à cette occasion qu'il fit bien connaître qu'il était le fils de Dieu.
10. S'il n'était pas venu dans la chair, comment les hommes auraient-ils pu, sans mourir, soutenir sa vue, alors que le soleil, oeuvre périssable qu'il a façonnée de ses mains, ils ne peuvent le regarder en face et soutenir ses rayons ?
11. Si le Fils de Dieu est venu dans la chair, c'est donc pour mettre le comble aux iniquités de ceux qui ont persécuté à mort les prophètes.
12. C'est pour cela qu'il a enduré de venir. Dieu dit en effet que la meurtrissure de sa chair, c'est à eux qu'il la doit : e " Ils frapperont le berger et les brebis du troupeau périront " (cf. Za 13, 6,7 ; Mt 26, 31).
13. Mais c'est lui qui a voulu souffrir de la manière qu'il a souffert. Il fallait, en effet, qu'il souffrît sur le bois. Car le prophète dit de lui : " Délivre de l'épée mon âme " (cf. Ps 21, 21) ; et : " Transperce mes chairs car une bande de vauriens m'assaille " (cf. Ps 118, 120 ; 21, 17).
14. Et ailleurs : " Voici : j'ai tendu mon dos aux fouets et mes joues aux soufflets. J'ai rendu mon visage dur comme la pierre " (Is 50, 6-7).

VI,
1. Sur le temps où il aura accompli sa mission, que dit-il ?
" Qui oserait m'intenter un procès ?
Qu'alors nous comparaissions ensemble!
Qui estime avoir un droit contre moi ?
Qu'il s'approche de moi.
2. Malheur à vous! Tous, vous vous en irez en loques comme un vêtement
Et la teigne vous rongera " (Is 50, 8-9).
Le prophète parle encore du temps où il sera placé comme une solide pierre à moudre : " Voici que je pose pour assises de Sion une pierre précieuse, de choix, une pierre d'angle de grande valeur " (Is 28, 16 ; cf. Rm 11, 33 ; 1 P 2, 6).
3. Et aussitôt il ajoute : " Celui qui croira en lui vivra éternellement " (cf. Is 28, 16). C'est donc sur une pierre que repose notre espérance ? A Dieu ne plaise ; mais il veut dire que le Seigneur a durci sa chair : " J'ai rendu mon visage dur comme pierre " (Is 50, 7).
4. Ailleurs le prophète dit : " La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l'angle " (Ps 117, 21) ; et encore : " Voici le jour que le Seigneur a fait ; jour de grandes merveilles " (Ps 117, 23-24).
5. Je vous écris tout simplement pour que vous compreniez, moi, pauvre rebut aux pieds de votre charité.
6. Que dit encore le prophète ? : " Une bande de vauriens m'assaillent " (Ps 21, 16) ; " Ils m'ont environné comme les abeilles un rayon de miel " (Ps 117, 12) ; et : " Ils ont tiré mes vêtements au sort " (Ps 21, 19).
7. Ainsi comme il devait se révéler dans la chair et y souffrir, sa passion a été prédite d'avance. Le prophète, en effet, dit au sujet d'Israël : " Malheur à leur âme : car le complot qu'ils complotent c'est à eux qu'il nuira lorsqu'ils disent : Lions le juste, car il nous gêne " (Is 3, 9-10 ; cf. Sg 11, 12).
8. Et que leur dit Moïse, un autre prophète: " Entrez dans le pays que j'ai promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob. Prenez-en possession, c'est votre héritage, une terre où coulent le lait et le miel " (Ex 33, 1-3 ; cf. Lv 20, 24).
9. Mais apprenez ce que dit la gnose : " Espérez en Jésus qui se manifestera à vous dans la chair. " Or l'homme est une terre de souffrance puisque Adam fut modelé avec de la terre.
10. Pourquoi donc est-il dit " Allez dans une terre excellente où coulent le lait et le miel " (Ex 33, 3).
Loué soit notre Seigneur, frères, qui nous a donné la sagesse et l'intelligence de ses secrets. Le prophète nous trace bien une allégorie du Christ. Qui saura le comprendre, si ce n'est celui qui est sage et instruit et aimé du Christ ?
11. Lorsqu'il nous a renouvelés par la rémission des péchés, il nous a donne une forme nouvelle, nous donnant une âme d'enfant comme s'il nous créait à nouveau.
12. Car c'est de nous que parle l'Écriture lorsque Dieu parle ainsi au Fils : " Faisons l'homme à notre image et ressemblance, et qu'il domine sur les oiseaux du ciel et le poissons de la mer " (Gn 1, 26). Et le Seigneur, voyant l'_uvre merveilleuse que nous étions, dit encore : " Croissez, multipliez, remplissez la terre ! (Gn 1, 28).
Ces paroles sont donc à l'adresse du Fils.
13. Mais je vais vous montrer encore comment il affirme avoir fait, dans les derniers temps, une deuxième création. Le Seigneur dit en effet : " Voici, je vais faire les dernières choses comme les premières " (cf. Mt 19, 30 ; 20, 16). C'est à cela que se réfère la parole du prophète : " Entrez dans le pays où coulent le lait et le miel et rendez-vous en les maîtres " (Ex 33,3 ; Gn 1, 28).
14. Or, remarquez-le, nous avons été créés à nouveau comme on peut le lire dans un autre prophète : " Quant à ceux-là, dit le Seigneur, --c'est-à-dire ceux que l'Esprit du Seigneur voyait d'avance-- je leur ôterai leur coeur de pierre et je leur donnerai un coeur de chair " (Ez 11, 19 ; 36, 26). C'est que lui-même devait se manifester dans la chair et habiter chez nous.
15. Oui, c'est un temple saint pour le Seigneur, frères, que l'habitation de nos coeurs. 16. Car il dit encore : " Où me présenter devant le Seigneur mon Dieu pour être glorifié ? " (cf. Ps 61, 3) ; et il répond : " Je te confesserai dans l'assemblée de mes frères, je te chanterai au milieu de l'assemblée des saints " (cf. Ps 21, 23).
C'est donc bien nous qu'il a conduits dans cette terre excellente.
17. Pourquoi donc le lait et le miel ? Parce que l'enfant est nourri d'abord de miel, puis de lait. C'est pourquoi nous aussi, nourris par la foi en la promesse et par la parole, nous vivrons et serons les maîtres de la terre.
18. Le Seigneur avait prophétisé comme nous disions plus haut : " Qu'ils croissent et se multiplient et dominent sur les poissons " (Gn. 1, 28). Or, qui donc peut maintenant commander aux bêtes, aux poissons, aux oiseaux du ciel ? Car il nous faut remarquer que commander, c'est avoir le pouvoir d'imposer l'ordre donné.
19. Or ceci n'est pas encore réalisé ; le Seigneur nous a dit quand il en serait ainsi : lorsque nous serons entrés pleinement dans l'héritage du testament du Seigneur.

VII,
1. Mettez-vous donc dans l'esprit, enfants de l'allégresse, que notre excellent Seigneur nous a tout révélé d'avance afin que nous sachions à qui doivent aller toujours nos actions de grâces et nos louanges.
2. Or, si le Fils de Dieu, lui, le Seigneur, " qui doit juger les vivants et les morts " (2 Tm 4, 1) a souffert pour que ses meurtrissures nous donnent la vie, croyons aussi que le Fils de Dieu n'a pu souffrir qu'à cause de nous .
3. Mais, sur la croix, " il fut abreuvé de vinaigre et de fiel " (cf. Mt 27, 34-48). Écoutez comment les prêtres du Temple l'avaient indiqué. Il y avait, dans l'Écriture, ce précepte : " Celui qui ne jeûnera pas le jour du jeûne sera mis à mort " (cf. Lc 23, 29) parce que le Seigneur devait, pour nos péchés, offrir en sacrifice le vase renfermant son esprit, pour accomplir ce que figurait le sacrifice d'Isaac sur l'autel.
4. Or, qu'est-il dit dans le prophète ? " Qu'ils mangent du bouc offert au jour du jeûne pour tous les péchés. "Et, faites-y bien attention, " les prêtres seuls mangèrent les viscères non lavés avec du vinaigre " (Aut. inconnu).
5. Pourquoi ? Parce que, moi qui vais offrir ma chair en sacrifice pour les péchés de mon nouveau peuple, " vous m'abreuverez de vinaigre et de fiel " (Mt 27, 34, 48). Vous me mangerez, vous seuls, pendant que le peuple jeûnera et se frappera la poitrine sur le sac et la cendre. Et pour montrer que c'est par eux qu'il lui faut souffrir :
6. " Prenez deux boucs, de bon poids et de même taille ; que le prêtre en prenne un et l'offre comme holocauste " (Lv 16, 7-9).
7. Et l'autre bouc, qu'en feront-ils : " Que celui-ci soit maudit " (cf. Lv 16, 8-10).
Or, remarquez comment c'est Jésus qui est manifesté ici en figure :
8. " Crachez tous sur lui, percez-le avec un aiguillon, coiffez-le d'une laine rouge écarlate et chassez-le ainsi dans le désert " (Aut. Inc.). Et lorsque tout cela est accompli, celui qui tient le bouc le conduit vers le désert, lui enlève la laine, et la met sur un buisson, que nous appelons ronce : nous aimons en manger les fruits lorsque nous en trouvons dans la campagne, il n'y a que ceux de la ronce pour être si doux.
9. Mais faites attention à la signification de ce fait. " Un bouc sur l'autel, l'autre est maudit " (Lv 16, 8) ; et celui qui est maudit est couronné. C'est qu'ils verront un jour Jésus, le corps enveloppé dans le vêtement écarlate et ils diront : " N'est-ce pas celui que nous avons autrefois crucifié, outragé, couvert de coups et de crachats ? " En vérité, c'est bien cet homme qui affirmait alors qu'il était le Fils de Dieu.
10. Mais pourquoi un bouc semblable à un autre ? " Les deux boucs doivent être semblables, de belle apparence, de même taille " (cf. Lv 16, 7), pour exprimer que voyant le Christ revenir, les Juifs seront frappés de stupeur par sa ressemblance avec le Crucifié. C'est là la ressemblance des boucs. Voici donc la figure de Jésus qui devait souffrir.
11. Mais pourquoi a-t-on déposé la laine au milieu des épines ? C'est une figure de Jésus proposée pour l'Église ; elle veut dire que si on veut enlever la laine pourpre, il faut beaucoup souffrir car les épines sont cruelles et ce n'est qu'en peinant qu'on peut s'en emparer. C'est ainsi, dit le Seigneur, que ceux qui veulent me voir et atteindre mon Royaume doivent m'obtenir par les tribulations et les souffrances (cf. Nb 19).

VIII,
1. Et ce précepte fait à Israël, de quoi est-il la figure, à votre avis ? Les hommes coupables de péchés graves doivent offrir une génisse, l'égorger et la brûler ; ensuite de jeunes enfants recueillent la cendre, la mettent dans des vases ; puis ils enroulent autour d'un bois de la laine écarlate (encore une figure de la croix, encore une fois la laine écarlate) et de l'hysope. Enfin ces jeunes gens aspergent tout le peuple, individu par individu, afin de les purifier de leurs péchés.
2. Voyez comme ce fait est simple à interpréter. La génisse, c'est Jésus, les hommes pécheurs qui l'offrent sont ceux qui l'ont mené à la tuerie. Mais après, ils ne sont plus, ces hommes ; elle n'est plus, la gloire des pécheurs.
3. Les jeunes gens qui aspergent sont ceux qui proclament la bonne nouvelle de la rémission des péchés et de la purification des coeurs. A eux furent confiés tous les pouvoirs pour proclamer l'Évangile ; ils étaient douze, justifiant par leur nombre les tribus (il y avait, en effet, douze tribus en Israël).
4. Et pourquoi trois jeunes gens étaient-ils chargés de l'aspersion ? A cause d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, tous trois grands devant Dieu.
5. Pourquoi la laine sur le bois ? Parce que la royauté de Jésus repose sur le bois, et ceux qui espèrent en lui vivront éternellement.
6. Pourquoi avec la laine, l'hysope ? Parce que dans son royaume, il y aura des jours mauvais, des jours de souillure, et nous, nous serons sauvés, comme le malade guérit avec le jus de l'hysope.
7. Ainsi, quand les événements sont si limpides pour nous, et si obscurs pour les autres, c'est que ceux-ci n'ont pas écouté la parole du Seigneur.

IX,
1. Car c'est des oreilles qu'il parle lorsqu'il nous dit comment il a circoncis nos coeurs. Le Seigneur dit dans le prophète : " Ils sont tout oreilles et m'obéissent " (Ps 17, 45). Et ailleurs : " Ils écouteront, les plus lointains, ils sauront ce que j'ai fait " (Is 33, 13). Et ailleurs : " Circoncisez vos coeurs " (Jr 4, 4).
2. Puis encore : " Écoute, Israël, voici ce que dit le Seigneur ton Dieu " (Jr 7, 2-3). Ailleurs l'Esprit du Seigneur prophétise : " Où est l'homme qui désire la vie à jamais ? Qu'il prête l'oreille à la voix de mon serviteur " (Ps 33,13 ; Ex 15, 26).
3. Et encore : " Cieux, écoutez, terre, prête l'oreille, car le Seigneur dit ces choses afin qu'elles vous soient un témoignage " (Is 1, 2). Et aussi : " Écoutez la parole du Seigneur, princes de ce peuple " (Is 1, 10). Ou bien : " Écoutez, enfants, la voix qui crie dans le désert " (Is 40, 3). Ainsi donc il a circoncis notre ouïe afin qu'écoutant sa parole, nous ayons la foi.
4. Mais l'autre circoncision en laquelle ils avaient mis leur espérance, elle est anéantie. Il leur avait dit que la circoncision ne concernait pas la chair. Mais ils passèrent outre, car un mauvais ange les avait séduits.
5. Dieu leur dit : " Voici ce que dit le Seigneur votre Dieu (et c'est ainsi que je trouve le précepte) : " Ne semez pas sur les épines, soyez circoncis pour le Seigneur " (Jr 4, 3-4). Et que dit-il encore ? : " Circoncisez votre c_ur et ne raidissez plus votre nuque " (Dt. 10, 16). Ajoutez ceci : " Voici, dit le Seigneur : Tous ces peuples-là sont incirconcis du prépuce, mais ce peuple-ci est incirconcis du c_ur " (Jr 9, 25-26).
6. Mais, dira-t-on, la circoncision pour le peuple était comme un sceau d'alliance. Or tous les Syriens et les Arabes, les prêtres des idoles faisaient de même. Est-ce qu'ils appartiennent donc également à l'Alliance ? Les Égyptiens aussi pratiquent la circoncision.
7. Soyez abondamment instruits sur toutes choses, enfants de la dilection : Abraham, qui le premier a pratiqué la circoncision, le fit en contemplant en esprit Jésus ; il avait, en effet, été initié au sens des trois lettres.
8. L'Écriture dit en effet : " Abraham circoncit les hommes de sa maison au nombre de 18 et 300 " (cf. Gn 17, 23-27 ; 14, 14). De quel mystère reçut-il donc la connaissance ? Remarquez qu'on nomme d'abord les dix-huit, et après un intervalle les trois cents. Dix-huit, c'est : dix, iota, huit, êta --ce qui fait I H = Jésus. Et comme la croix en forme de tau est source de la grâce, on ajoute encore trois cents = T. Jésus est désigné par les deux lettres, la croix par la seule troisième.
9. Il le sait bien, celui qui a mis en nous le don de sa doctrine ; personne n'a entendu de moi explication plus profonde. Mais je sais que vous en êtes dignes.
X,
1. Si Moise dit : " Vous ne mangerez ni porc, ni aigle, ni épervier, ni corbeau, ni poisson dépourvu d'écailles " (cf. Lv 11 ; Dt 14) c'est qu'il avait reçu l'intelligence d'un triple enseignement.
2. Cependant le Seigneur dit, dans le Deutéronome : " J'exposerai à ce peuple mes volontés " (cf. Dt 4, 1-5). Ce n'est donc pas un commandement de Dieu que de ne pas manger, mais Moïse a parlé au sens spirituel.
3. Voilà ce qu'il voulait dire à propos du porc : " Ne va pas t'attacher à ces hommes qui sont semblables à des porcs : quand ils sont dans les délices, ils oublient le Seigneur ; dans ils sont dans le dénuement, ils se souviennent de lui, exactement comme le porc qui, lorsqu'il se repaît, ne connaît plus son maître, mais se met à grogner lorsqu'il a faim. Puis lorsqu'il a reçu sa pâture se tait derechef.
4. " Tu ne mangeras pas non plus ni aigle, ni épervier, ni milan, ni corbeau " (Lv 11, 13-16) : ne va pas t'attacher, pour leur devenir semblable, à ces hommes qui ne savent pas gagner leur pain au prix de leur peine et de leur sueur, mais qui s'emparent injustement du bien d'autrui. Ils sont aux aguets, tout en se promenant avec un air candide, et ils épient la proie que leur convoitise va dépouiller ; comme ces oiseaux, les seuls de l'espèce, qui au lieu de se procurer leur nourriture, restent perchés paresseusement, et cherchent à dévorer les autres, vraie peste par leur malfaisance.
5. " Tu ne mangeras pas non plus de murène, ni de polype, ni de sèche (cf. Lv 11, 10). Ne vas pas devenir semblable, pour t'y être attaché, à ces hommes totalement impies, et déjà condamnés à la mort, qui ressemblent à ces poissons, seuls à être maudits, qui nagent dans les profondeurs, non pas quand ils plongent seulement, mais qui ont élu dans les bas-fonds de l'abîme leur demeure.
6. " Tu ne mangeras pas non plus de lièvre. " Pourquoi ? Cela veut dire: tu ne seras pas corrupteur d'enfants et m n'imiteras pas les gens de cette sorte ; car le lièvre acquiert chaque année un anus de plus ; autant il a d'années, autant il a d'ouvertures.
7. " Tu ne mangeras pas non plus de la hyène " (Aut. inc.). C'est-à-dire tu ne seras ni adultère, ni séducteur, tu n'imiteras pas les gens de cette sorte. Pourquoi ? Parce que cet animal change de sexe tous les ans, il est tour à tour mâle et femelle.
8. Moïse a également haï " la belette " (Lv 11, 29) d'une sainte haine. Ne va pas ressembler, veut-il dire, à ces personnes qui, dit-on, commettent de leur bouche le péché d'impureté ; ne te lie pas avec ces personnes impudiques qui pèchent avec leur bouche. Tel cet animal qui conçoit par la gueule.
9. Ainsi Moïse qui avait reçu un triple enseignement sur les aliments, a-t-il usé d'un langage spirituel. Mais les Juifs, charnels comme ils l'étaient, comprirent qu'il s'agissait de la nourriture.
10. David reçut la connaissance de ce même triple enseignement, et il s'exprime de la même manière " Heureux l'homme qui ne va pas au conseil des impies " comme les poissons qui gagnent dans les ténèbres les bas-fonds de la mer ; " ni dans la voie des égarés ne s'arrête " comme ceux qui se donnent l'apparence de craindre Dieu et pèchent comme le porc ; " ni au banc de pestilence ne s'assied " (Ps 1, 1), comme les oiseaux perchés en vue de la rapine. Vous voici comblés au sujet de la nourriture.
11. Moïse dit encore : " Vous mangerez du ruminant qui a le pied fourchu " (Lv 11, 3 ; Dt 14, 6). Pourquoi dit-il cela ? Parce que le ruminant, quand il reçoit sa nourriture, montre qu'il connaît celui qui la lui présente, et semble se plaire près de lui, au repos. Moïse avait vu bien juste en faisant ce précepte. Or, que veut-il dire ? Attachez-vous à ceux qui craignent le Seigneur, qui ont le souci de la portée de la parole qu'ils ont reçue en leur coeur, à ceux qui s'entretiennent des commandements du Seigneur et les gardent, à ceux qui savent que cette occupation est source de joie, et qui ne cessent de remâcher la parole du Seigneur. Mais le pied fourchu ? C'est parce que le juste sait à la fois marcher en ce monde et attendre la sainte éternité. Voyez comme Moïse a sagement édicté ses lois
12. Comment les Juifs pouvaient-ils concevoir et comprendre ces choses ? Mais nous, nous avons compris les commandements du Seigneur, et nous les exprimons tels qu'il les a voulus. C'est justement pour que nous en ayons l'intelligence que nos coeurs et nos oreilles ont été circoncis.

XI,
1. Recherchons maintenant si le Seigneur a pris soin de manifester à l'avance l'eau et la croix. Au sujet de l'eau, il est écrit, à l'adresse d'Israël, qu'ils ne recevraient pas le baptême qui procure la rémission des péchés, mais qu'ils essaieraient de se fabriquer à eux-mêmes leur salut.
2. Le prophète dit en effet :
" Terre frémis de stupeur, plus encore,
Car c'est un double méfait que ce peuple a commis :
Ils m'ont abandonné, moi la source d'eau vive,
Pour se creuser à eux-mêmes une citerne de mort "
(Jr 2, 12-13).
3. " Est-elle une roche déserte,
Ma montagne sainte, Sion ?
Vous serez comme une nichée d'oiseaux,
Voletant çà et là, arrachés du nid " (Is 16, 1-2).
4. Le prophète dit encore:
" Moi je marcherai devant toi
En nivelant les hauteurs.
Je fracasserai les battants de bronze,
Je briserai les barres de fer.
Je te livrerai les trésors secrets,
Et les richesses cachées,
Pour qu'ils sachent que je suis, moi, le Seigneur Dieu " (Is 45, 2-3).
5. Et encore :
" Tu habiteras dans une citadelle élevée,
Bâtie sur le roc,
L'eau ne te fera pas défaut.
Tes yeux contempleront le roi dans sa gloire,
Et votre âme aura souci de la crainte du Seigneur " (Is 33, 16-18).
6. Et dans un autre prophète, il dit encore :
" Celui qui agit ainsi sera comme l'arbre,
Planté près du cours des eaux,
Qui donne son fruit en la saison,
Et jamais son feuillage ne tombera.
Tout ce qu'il fait réussit.
7. Rien de tel pour les impies, rien de tel.
Non, ils sont comme la bale emportée par le vent
De sur la terre.
Non, au jugement les impies ne tiendront,
Les égarés à l'assemblée des justes.
Car le Seigneur connaît la voie des justes,
Mais la voie des impies va se perdre " (Ps 1, 3-6).
8. Remarquez comme il décrit à la fois la croix et l'eau. Voici en effet ce qu'il veut dire : Bienheureux ceux qui ayant mis leur espérance dans la croix, sont descendus dans l'eau, car il indique la récompense par ces mots " en la saison " ; à ce moment-là, veut-il dire, je m'acquitterai envers toi. Et ces mots : " jamais son feuillage ne tombera " (Ps 1, 3), en voici le sens : toute parole qui sortira de votre bouche, sous l'inspiration de la foi et de la charité, sera la conversion et l'espérance d'un grand nombre.
9. Un autre prophète dit encore : " Le pays de Jacob recevait des louanges, plus que tout autre " (cf. So 3, 19). Ce qui veut dire que Dieu glorifie le vase qui renferme son esprit.
10. Et qu'est-il dit encore : " Il y avait un fleuve coulant sur la droite, de ses berges s'élevaient des arbres féconds, celui qui mange de leur fruit vivra éternellement " (Ez. 47, 2, 7, 12).
11. Comprenons : nous descendons dans l'eau, remplis de péchés et de souillures, mais nous en sortons, chargés de fruits, avec dans notre coeur la crainte et, dans l'esprit, l'espérance en Jésus. " Quiconque en mange vivra éternellement " signifie : quiconque écoute ces paroles et croit, vivra éternellement.

XII,
1. Il décrit également la croix, par ces paroles d'un autre prophète : " Quand ces choses seront-elles accomplies ? Lorsque le bois, dit le Seigneur, aura été abaissé et redressé, et lorsque du bois le sang aura coulé " (cf. IV Esdras 4, 33 ; 5, 5). Voici donc ce qui se rapporte à la croix et à celui qui doit y être crucifié.
2. Dieu parla encore à Moise lorsque Israël était à se défendre contre les tribus étrangères ; il lui remémora que cette guerre même était le signe de la mort qu'ils méritaient à cause de leurs péchés. L'Esprit-Saint inspira à Moïse une attitude figurant la croix et Celui qui devait y souffrir, car voilà le sens du geste : à moins d'espérer en cette croix, ils seraient livrés à une guerre éternelle. Moïse entassa donc boucliers sur boucliers au milieu du champ de bataille, et se plaçant sur le tas de façon à dominer les autres, il étendit les bras ; c'est ainsi qu'Israël reprit l'avantage. Après un moment, Moïse ayant laissé retomber ses bras, Israël succombait à nouveau (Ex 17, 8-13).
3. Qu'est-ce à dire ? C'était pour leur faire reconnaître qu'ils ne pouvaient être sauvés que s'ils mettaient en lui leur espérance.
4. Le Seigneur dit encore dans un autre prophète : " Tout le jour j'ai tendu mes mains vers un peuple rebelle, et rétif à mes justes voies " (Is 65, 2).
5. Moïse figura d'une autre façon encore Jésus, montrant qu'il devait souffrir et que c'est lui qui donne la vie, lui qu'ils s'imagineront avoir fait périr. Israël succombait. Pour leur donner un signe, le Seigneur les fit mordre par toutes sortes de serpents et ils mouraient (cf. Nb. 21, 6-9) (car c'est par le serpent que la désobéissance est apparue dans la personne d'Ève). Or, le Seigneur agissait ainsi pour les convaincre que c'était à cause de leur désobéissance qu'ils étaient livrés aux angoisses de la mort.
6. Finalement, Moïse, qui avait publié ce précepte : " Vous n'aurez point d'image sculptée ou fondue pour votre Dieu " (Dt 27, 15), fabriqua néanmoins une telle image pour manifester une figure de Jésus. Il fabriqua donc un serpent d'airain, le dressa solennellement et fit convoquer le peuple par un héraut.
7. Le peuple réuni priait Moise d'intercéder pour leur guérison. Alors Moïse leur dit : " Lorsque quelqu'un d'entre vous sera mordu, qu'il vienne vers le serpent étendu sur le bois ; qu'il espère ; qu'il croie que celui-ci, même sans vie, peut le vivifier, et aussitôt il sera sauvé " (cf. Nb. 21, 8-9).
Ainsi firent-ils. Voici bien la gloire de Jésus : tout a eu lieu en lui et pour lui.
8. Et que dit Moïse à Jésus, fils de Navé, après lui avoir imposé ce nom comme à un prophète, dans la seule intention de faire comprendre au peuple que le Père révèle toutes choses au sujet de son Fils Jésus ?
9. Après lui avoir donné ce nom, en l'envoyant explorer le pays, Moïse dit à " Jésus, fils de Navé " (Nb 13,16) : " Prends un livre dans tes mains et écris ce que dit le Seigneur : dans les derniers jours, le Fils de Dieu renversera de fond en comble la maison d'Amaleq " (cf. Ex 17, 14).
10. Voilà de nouveau Jésus, figuré dans un être de chair, non pas comme fils d'homme, mais comme fils de Dieu. Mais comme les Juifs devaient dire un jour que le Christ est " fils de David " (Mt, 22, 42-44), David lui-même, qui redoutait l'erreur de ces pécheurs et qui en avait la connaissance, s'écrie prophétiquement : " Le Seigneur a dit à mon Seigneur, siège à ma droite ; tes ennemis, j'en ferai ton marchepied " (Ps 109, 1).
11. Et de même Isaïe :
" Le Seigneur a dit à son Oint, mon Seigneur,
Qu'il a pris par la main droite,
Pour abattre devant lui les nations
Et briser la puissance des rois " (Is 45 , 1).
Voilà comment " David l'appelle mon Seigneur ", et non pas mon fils (Mc 12, 37 ; Mt 22, 45 ; Lc 20, 44).

XIII,
1. Voyons maintenant à qui est l'héritage : au peuple que nous sommes, ou bien au précédent ; et à qui s'adresse l'alliance, à nous ou à eux ?
2. Écoutez donc ce que dit l'Écriture au sujet du peuple : " Isaac implora le Seigneur pour sa femme, car elle était stérile " (Gn, 25, 21). Ensuite : " Rébecca alla consulter le Seigneur, et le Seigneur lui dit : Deux nations sont dans ton sein, deux peuples dans tes entrailles, un peuple dominera l'autre, l'aîné servira le cadet " (Gn 25, 22-23 ; cf. Rm 9, 10-12).
3. Vous devez saisir qui est Isaac, qui est Rébecca, et de quel peuple il est déclaré qu'il est plus grand que l'autre.
4. Dans une autre prophétie, Jacob éclaire encore ce point, lorsqu'il dit à Joseph : " Voici que le Seigneur ne m'a pas privé de ta présence, conduis-moi tes fils, que je les bénisse (Gn 48, 11,9)
5. Et Joseph lui conduisit Éphraïm et Manassé, pour qu'il bénisse Manassé qui était l'aîné. Joseph le conduisit donc à la droite de son père.. Mais Jacob vit là, en esprit, la figure du peuple à venir. Qu'est-il écrit ? " Jacob croisa ses mains et posa sa droite sur la tête d'Éphraïm, le puîné et le plus jeune, et il le bénit. Joseph dit alors à Jacob : Remets donc ta main droite sur la tête de Manassé, car c'est lui mon fils premier-né. Et Jacob dit à Joseph : Je sais, mon fils, je sais. Mais le plus grand servira le plus petit, et c'est le plus petit qui sera béni " (Gn. 48, 14, 18, 19).
6. Voyez à qui Jacob a décidé que serait la prédominance, et l'héritage de l'alliance.
7. Si Abraham lui-même a fait mention de ce fait, notre connaissance en sera parfaite. Or, qu'est-ce que Dieu dit à Abraham, lorsqu'il fut le seul à croire, et que sa foi lui fut imputée à justice ? " Voici, je t'ai appelé Abraham, et t'ai établi père des peuples incirconcis qui croient à Dieu " (Gn 17, 5 ; cf. Rm 4, 11s).

XIV,
1. Bien, voyons maintenant si l'alliance qu'il avait juré à leurs pères de donner à ce peuple, lui fut vraiment donnée. Elle leur fut donnée. Mais ils n'en ont pas été dignes à cause de leurs péchés.
2. Le prophète dit, en effet : " Moïse sur le mont Sinaï jeûna quarante jours et quarante nuits afin de recevoir l'alliance du Seigneur avec son peuple, et Moïse reçut du Seigneur deux tables écrites en esprit, du doigt de la main du Seigneur (cf. Ex 24, 18 ; 31, 18). Les ayant donc en main il les portait au peuple pour les leur remettre, 3. Lorsque le Seigneur lui dit : " Moïse, Moïse, descends au plus vite, car ton peuple, que tu as ramené d'Égypte, a péché. " Moïse comprit qu'ils s'étaient encore fabriqué des idoles et il jeta les Tables de ses mains ; c'est ainsi que furent brisées les Tables de l'alliance du Seigneur (cf. Ex 32, 7-19 ; Dt 9, 12-17).
4. Moïse avait donc reçu l'alliance, mais eux, les Juifs, n'en étaient pas dignes. Apprenez comment c'est nous qui avons reçu l'alliance. Moïse l'avait reçue comme un serviteur, mais le Seigneur lui-même nous l'a donnée comme à un peuple d'héritiers, après avoir souffert pour nous.
5. Il est apparu à la fois pour permettre aux Juifs de pousser jusqu'au bout leurs péchés, et à nous-mêmes de recevoir l'alliance par l'intermédiaire de l'héritier, le Seigneur Jésus.
Son avènement avait été préparé, afin que par lui nos âmes, déjà atteintes par la mort et livrées aux égarements du péché fussent délivrées de leurs ténèbres et que l'alliance fût établie avec nous par sa parole.
6. L'Écriture explique, en effet, comment le Père lui commande de nous délivrer des ténèbres, et de se préparer un peuple saint.
7. Or, le prophète dit : " Moi, le Seigneur ton Dieu, je t'ai appelé dans la justice. Je te prendrai par la main et je te fortifierai. Je t'ai désigné comme alliance du peuple, lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, faire sortir de prison les captifs, et de leur cachot ceux qui demeurent dans les ténèbres " (Is 42, 6-7). Connaissons donc de quel état nous avons été délivrés.
8. Le prophète dit encore : " Voici, j'ai fait de toi la lumière des nations, pour que, par toi, mon salut atteigne aux extrémités de la terre. Ainsi parle le Seigneur, le Dieu qui t'a racheté " (Is 49, 6-7).
9. Et aussi :
" L'Esprit du Seigneur est sur moi
Car il m'a oint
Pour porter la bonne nouvelle de la grâce aux pauvres ;
Il m'a envoyé panser les coeurs meurtris,
Annoncer aux prisonniers la liberté,
Le retour de la vue aux aveugles.
Pour annoncer une année agréable au Seigneur,
Et le jour de la rétribution,
Pour consoler tous les affligés " (Is 61, 1-2 ; cf. Lc 4, 18-19).
XV,
1. L'Écriture mentionne également le sabbat dans les dix paroles que Dieu dit à Moïse, sur le Mont Sinaï, lui parlant face à face. " Sanctifiez le sabbat du Seigneur avec des mains pures et un coeur pur " (Ex 20, 8 ; Dt 5, 12 ; Ps 23, 4).
2. Dans un autre endroit : " Si mes fils observent le sabbat, c'est alors que je répandrai sur eux ma miséricorde " (cf. Jr 17, 24-25 ; Ex 31, 13-17).
3. Du sabbat, il est fait mention dès le commencement, à la création : " Dieu fit en six jours les oeuvres de ses mains ; le septième jour elles étaient achevées ; et il chôma le septième jour et le bénit " (Gn. 2, 2-3).
4. Faites attention, mes enfants, à ce que signifient ces mots : " Il acheva son oeuvre en six jours. " Cela veut dire qu'en six mille ans, le Seigneur achèvera toutes choses, car pour lui un jour signifie mille années. C'est lui-même qui l'atteste par ces mots : " Voici, un jour du Seigneur sera comme mille années " (Ps 89, 4 ; 2 P. 3, 8). Donc, mes enfants, en six jours, c'est-à-dire en six mille ans, toutes choses auront achevé leur cours.
5. " Il chôma le septième " (Gn. 2, 2) veut dire : lorsque son Fils sera venu mettre une fin au temps de l'injustice, juger les impies, métamorphoser le soleil, la lune et les étoiles, alors il chômera pleinement le septième jour.
6. Mais il est encore dit : " Vous le sanctifierez avec des mains pures et un coeur pur " (Ex 20, 8 ; Ps 23, 4).
S'il y avait aujourd'hui un homme capable de sanctifier, par la pureté de son coeur, le jour que Dieu a rendu saint, notre erreur serait totale.
7. Mais remarquez-le bien, nous n'entrerons pleinement dans le repos pour le sanctifier, que lorsque nous serons nous-mêmes justifiés ; nous serons en possession de la promesse, lorsqu'il n'y aura plus d'injustice et que le Seigneur aura renouvelé toutes choses. Alors nous pourrons sanctifier le septième jour, ayant été nous-mêmes d'abord sanctifiés
8. Le Seigneur dit enfin aux Juifs : " Je ne supporte pas vos néoménies ni vos sabbats " (Is 1, 13). Voyez bien ce qu'il veut dire : ce ne sont pas vos sabbats actuels qui me sont agréables, mais celui que j'ai fait moi-même et dans lequel, mettant toutes choses au repos, j'inaugurerai le huitième jour, c'est-à-dire un univers nouveau.
9. Voilà pourquoi nous célébrons dans l'allégresse le huitième jour celui où Jésus est ressuscité des morts et où, après s'être manifesté, il est monté aux cieux.
XVI,
1. Je veux vous entretenir encore du Temple, de l'erreur de ces malheureux qui mettaient leur espérance dans un édifice, au lieu de la mettre en Dieu leur créateur, sous prétexte que cet édifice était la maison de Dieu.
2. Le culte qu'ils rendaient dans le Temple ne différait pas beaucoup des cultes païens. Mais apprenez en quel terme Dieu récuse ce Temple :
" Qui a mesuré le ciel à l'empan,
Et la terre dans le creux de sa main ?
N'est-ce pas moi, dit le Seigneur ?
Le ciel est mon trône
Et la terre l'escabeau de mes pieds.
Quelle maison pourriez-vous me bâtir,
Et quel lieu assigner à mon repos ? " (Is 40, 12 ; 66, 1).
Vous avez reconnu que leur espérance est vaine.3. Enfin il dit encore : " Voici que ceux-là mêmes qui ont détruit ce Temple, le rebâtiront " (cf. Is 49, 17).
4. En effet, par suite de la guerre, le Temple fut détruit par leurs ennemis, et maintenant les serviteurs de ces ennemis le rebâtiront.
5. Il avait été dévoilé aussi que la cité, le Temple et le peuple seraient livrés. " Il arrivera dans les derniers jours, dit l'Écriture, que le Seigneur livrera les brebis de son pâturage, avec leur bercail et leur tour, à la destruction. " Et tout s'est passé comme le Seigneur l'avait prédit.
6. Mais recherchons s'il existe encore un temple de Dieu. Il en existe un, oui, mais là où lui-même déclare le bâtir et le restaurer. Il est écrit en effet : " Il arrivera qu'après une semaine un temple de Dieu sera bâti, magnifiquement, au nom du Seigneur " (cf. Dn. 9, 24-27).
7. Je vois donc que ce temple existe. Mais comment sera-t-il bâti au nom du Seigneur ? Vous allez l'apprendre. Avant que nous eussions la foi en Dieu, l'intérieur de nos coeurs était corruptible et fragile, vraiment comme une demeure faite te main d'homme ; il était rempli d'idolâtrie, habité par les démons, puisque nous faisions tout ce qui est contraire à la volonté de Dieu.
8. " Mais il sera bâti au nom du Seigneur " (cf. Dn 9, 24-27). Faîtes bien attention, que le temple du Seigneur soit magnifiquement rebâti ! Comment ? Vous allez l'apprendre. C'est en recevant la rémission des péchés et en mettant notre espérance en son nom, que nous sommes renouvelés, que nous devenons de nouvelles créatures ; et c'est pourquoi Dieu habite réellement en notre intérieur, en nous.
9. Comment cela ? C'est par la parole de foi, qu'il habite en nous, par la vocation de la promesse, par la sagesse de ses volontés, les préceptes de sa doctrine. C'est lui qui prophétise en nous, lui, l'hôte de nos coeurs. C'est lui qui nous ouvre la porte du Temple, à nous qui étions les esclaves de la mort ; et cette porte, c'est notre bouche, qu'il ouvre en nous donnant le repentir. C'est ainsi qu'il nous introduit dans le Temple impérissable.
10. Oui, celui qui désire son salut ne regarde pas à l'homme, mais à celui qui habite dans le c_ur du prédicateur, qui parle par sa bouche, et il est tout frappé de n'avoir encore jamais entendu les paroles de celui qui parle par la bouche de son apôtre, et de n'avoir jamais même désiré les entendre. Voilà ce que signifie le Temple spirituel bâti pour le Seigneur.
XVII,
1. Je vous ai donné toutes ces explications de mon mieux, aussi simplement que possible, et mon âme espère n'avoir rien omis, dans son zèle, des enseignements qui concernent le salut.
2. Car si je vous écrivais sur des choses présentes ou à venir, vous ne les comprendriez pas, elles qui sont encore à l'état de paraboles. Restons-en donc là pour ce que nous venons de dire.
XVIII,
1. Passons encore à une autre sorte de connaissance et de doctrine. Il y a deux voies, répondant à deux sortes de doctrine et d'autorité : la voie de la lumière et celle des ténèbres. Elles sont bien éloignées l'une de l'autre ! A l'une sont préposés les anges de Dieu, qui conduisent vers la lumière ; à l'autre, les anges de Satan.
2. Or, Dieu est le Seigneur depuis l'origine et pour les siècles, et Satan est le prince du temps présent, le temps de l'iniquité.
XIX,
1. Or, voici quel est le chemin de la lumière : si quelqu'un veut, en la suivant, parvenir au but qu'il se propose, il lui faut s'appliquer avec zèle à ses oeuvres. Et nous avons reçu la connaissance de la bonne manière d'emprunter cette route.
2. Aime celui qui t'a fait, crains celui qui t'a formé, honore celui qui t'a racheté de la mort. Sois simple de coeur, riche du Saint-Esprit. Ne t'attache pas a ceux qui suivent la voie de la mort. Sache haïr tout ce qui déplaît à Dieu, sache haïr toute hypocrisie. N'abandonne pas les commandements du Seigneur.
3. Ne t'élève pas, mais sois humble en toutes choses. Ne t'attribue pas la gloire ; ne forme pas de mauvais desseins contre ton prochain, ne laisse pas ton âme s'enfler d'audace.
4. Ne commets ni fornication, ni adultère ; ne corromps pas les enfants. Ne te sers pas de la parole, ce don de Dieu, pour dépraver quelqu'un. Ne fais point acception de personnes lorsqu'il s'agit de reprendre les fautes d'autrui. Sois doux, sois paisible, tremble aux paroles que tu entends. Ne garde pas rancune à ton frère.
5. Ne te demande pas avec inquiétude si la parole va s'accomplir ou non. " Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur " (Dt 5, 11). Tu aimeras ton prochain plus que ton âme. Tu ne feras pas mourir l'enfant dans le sein de sa mère, tu ne le feras pas mourir à sa naissance. Tu ne lèveras pas ta main de dessus la tête de ton fils ou de ta fille, mais dès leur enfance, tu leur enseigneras la crainte de Dieu.
6. Ne sois pas envieux des biens de ton prochain ; ne sois pas cupide. N'attache pas ton coeur aux orgueilleux, mais fréquente les humbles et les justes. Accueille comme un bien tout ce qui t'arrive, sachant que rien ne se fait sans Dieu.
7. N'aie pas deux pensées, ni deux langages. Car c'est un piège de mort que la duplicité dans le langage. Obéis à tes maîtres comme à l'image de Dieu, dans le respect et la crainte. Ne commande pas ton serviteur ou ta servante avec amertume, car ils espèrent dans le même Dieu que toi, de peur qu'ils n'en viennent à perdre la crainte de Dieu, votre commun maître : car Dieu ne fait pas acception de personnes, lorsqu'il nous appelle ; mais il choisit ceux que l'Esprit a disposés.
8. Tu partageras tous tes biens avec ton prochain, et tu ne diras pas que quelque chose t'appartient en propre, car si vous possédez en commun les biens impérissables, combien plus les biens qui doivent périr ! Ne sois pas bavard, la langue étant un piège de mort. Autant qu'il te sera possible, pour le bien de ton âme, sois chaste.
9. N'aie pas la main tendue pour recevoir, fermée pour donner. Tu aimeras " comme la prunelle de ton oeil " (Dt 32, 10 ; Ps 16, 8 ; cf. Ps 7, 2), ceux qui te prêcheront la parole du Seigneur.
10. Souviens-toi du jour du jugement, penses-y jour et nuit, recherche constamment la compagnie des saints. Tiens-toi toujours sur la brèche, soir en annonçant la parole et en allant porter au loin tes exhortations dans ton souci de sauver les âmes, soit en travaillant de tes mains pour racheter tes péchés.
11. N'hésite pas à donner et donne sans murmure, et tu connaîtras un jour celui qui sait payer largement de retour. Garde ce que tu as reçu, " sans rien ajouter, ni rien retrancher " (Dt 12, 32). Persévère dans la haine du mal. " Sois équitable quand tu as à juger " (Dt 1, 16 ; Pr 31, 9).
12. Ne fais pas de schismes, mais fais la paix en réconciliant les adversaires. Fais la confession publique de tes péchés. Ne va pas à la prière avec une conscience mauvaise. Telle est la voie de la lumière.
XX,
1. La voie du " ténébreux " est au contraire tortueuse, et pleine de malédictions. C'est le chemin de la mort éternelle et du châtiment. On y rencontre tout ce qui perd les âmes : l'idolâtrie, l'impudence, l'orgueil de la puissance, l'adultère, le meurtre, la rapine, la vanterie, la désobéissance, la ruse, la malice, l'arrogance, les drogues, la magie, la cupidité, le mépris de Dieu,
2. Les persécuteurs des justes, les ennemis de la vérité, les amis du mensonge ; car tous ces gens ne connaissent pas la récompense te la justice, ils " ne s'attachent pas au bien " (Rm. 12, 9), ils ne secourent pas la veuve ni l'orphelin ; ils sont toujours en éveil non pour craindre Dieu, mais pour faire le mal. Bien loin de la douceur et de la patience, " ils aiment les vanités " (cf. Ps 4, 3), " poursuivent le gain " (Is 1, 23) ; sans pitié pour le pauvre, sans compassion pour l'affligé, ils sont prompts à la médisance, et, ne reconnaissant pas leur Créateur, " ils tuent les enfants " (Sg 12, 5), font périr par avortement des créatures de Dieu. Ils repoussent le nécessiteux, accablent l'opprimé, se font les avocats des riches, les juges iniques des pauvres. Bref, ils pèchent de toutes les manières.
XXI,
1. Il est donc juste de s'instruire de toutes les volontés de Dieu consignées dans les Écritures, et de se diriger d'après elles. Car celui qui les accomplit sera glorifié dans le royaume de Dieu, mais celui qui choisit l'autre voie périra avec ses oeuvres. C'est pour cela qu'il existe une résurrection et une rétribution.
2. J'ai quelque chose à vous demander, à vous qui êtes des privilégiés, si vous me permettez un conseil que m'inspire ma bienveillance. Vous avez parmi vous des gens à qui faire du bien ; n'y manquez pas.
3. Il est tout proche le jour où tout périra aux yeux du méchant : " Le Seigneur est proche ainsi que sa rétribution " (Is 60, 10).
4. Je vous en prie encore et encore : soyez à vous-mêmes vos bons législateurs, vos conseillers fidèles ; éloignez-vous de toute hypocrisie.
5. Veuille le Seigneur, le Maître de l'univers, vous donner la sagesse, l'intelligence, la science, la connaissance de ses volontés avec la patience.
6. Faites-vous dociles à Dieu, recherchant ce que le Seigneur attend de vous, afin d'être trouvés fidèles au jour du jugement.
7. S'il demeure quelque mémoire du bien, souvenez-vous de moi en méditant ces enseignements, afin que mon zèle et mes veilles aient porté quelque fruit ; je vous en prie, c'est une grâce que je vous demande.
8. Tant que vous serez dans le précieux vase de votre corps, ne négligez aucun de ces enseignements, mais appliquez-y continuellement votre esprit et accomplissez tout ce qui est commandé ; la chose en vaut la peine.
9. C'est pour cela surtout que je me suis empressé de vous écrire, sur les sujets à ma portée, voulant vous donner de la joie.
Salut à vous, enfants de dilection et de paix. Que le Seigneur de gloire et de toute grâce soit avec votre esprit.


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